Jelālu d-dīn er-Rūmī, le grand poète mystique soufi persan du XIIIè siècle ouvre son recueil du Mathnawî (« la quête de l’absolu ») par ce texte magnifique sur la plainte de la flute qui chante sa peine de n’être plus le roseau qu’elle était.
Une belle métaphore sur la tristesse d’être coupé de nos divines racines.
Texte en français (traduit de l’arabe par Samia Lamine)
Écoute la flûte qui raconte son histoire
Et qui souffrant de la séparation diffuse sa plainte:
Depuis que j’ai été coupée des roselières, mes gémissements font pleurer les hommes et les femmes.
Et il me faut un cœur déchiré… déchiré et éreinté par la séparation
Pour lui avouer la douleur de mon désir ardent.
Tout être séparé de sa racine,
Souvent, éprouve la nostalgie du temps où y il était uni.
Et c’est ainsi que je suis devenue une source de plaisir dans les grandes festivités.
Je chante pour les gens heureux et je me lamente pour les malheureux
Et chacun me croit son ami.
Mais… personne n’a pu percevoir ma vérité.
Or, mon secret n’est pas loin de mes lamentations…
Mais où trouver l’oreille avisée et l’œil éclairé ?
Le corps est uni à l’âme et l’âme y baigne.
Mais est-il un humain qui puisse percevoir l’âme ?
Le gémissement de la flûte est une flamme et non un souffle…
Et nul n’a été si le feu n’a point troublé son cœur.
Le gémissement de la flûte est la frénésie du vin et la fièvre de l’amour…
C’est ainsi que la flûte est devenue l’amie des amants abandonnés
Et c’est ainsi que ses mélodies ont déchiré le voile devant nos yeux…
Mais qui a vu un poison et un antidote, comme la flûte?!
Et qui a vu un amant impatient, comme la flûte?!
La flûte, elle, elle nous dit les récits du chemin maculé de sang
Et elle nous rapporte les paroles de l’amour du « Majnoun »…
Et la sagesse qu’elle raconte est interdite à ceux qui sont insensés
Car, nul n’est capable de capter les douces paroles qu’une oreille avisée.
Texte en arabe (traduit du perse)
ومن ألم الفراق يبث شكايته
مذ قطعت من الغاب، والرجال والنساء لأنيني يبكون
أريد صدراً مِزَقاً مِزَقاً برَّحه الفراق
لأبوح له بألم الاشتياق
فكل من قطع عن أصله
دائماً يحن إلى زمان وصله
وهكذا غدوت مطرباً في المحافل
أشدو للسعداء، وأنوح للبائسين
وكلٌ يظن أنني له رفيق
لم يكن سري بعيداً عن نواحي، ولكن
أين هي الأذن الواعية، والعين المبصرة؟
فالجسم مشتبك بالروح، والروح متغلغلة في الجسم
ولكن أنى لإنسان أن يبصر تلك الروح؟
أنين الناي نار لا هواء
فلا كان من لم تضطرب في قلبه النار
نار الناي هي سورة الخمر، وحميا العشق
وهكذا كان الناي صديق من بان
وهكذا مزقت ألحانه الحجب عن أعيننا
ومن رأى مثل الناي خليلاً مشتاقاً؟
إنه يقص علينا حكايات الطريق التي خضبتها الدماء
ويروي لنا أحاديث عشق المجنون
الحكمة التي يرويها، محرمة على الذين لا يعقلون،
إذ لا يشتري عذب الحديث غير الأذن الواعية ‘