Le Shakuhachi
Histoire
Histoire
Son plus fervent disciple Chõ Haku (Zhãng Bó en chinois) se voyant refuser l’enseignement du secret de la cloche vide par le maitre; fabriqua une flute de bambou pour en imiter le timbre; il passa maitre lui même de cet art de jouer le « Shakuhachi de la cloche vide » et le transmit.
Bien plus tard, au XIIIè siècle, le moine japonais Shinchi Kakushin (心地覺心) suivit en Chine les enseignements du maitre Wumen (無門) et devint un disciple de la 17è génération de la secte Fuke chinoise. Il apprit alors à maitriser la flute Shakuhachi.
De retour au Japon, il dirigea le temple Kõkoku-ji dans la péninsule du Kii transmettant son savoir et créant ainsi Fuke-Shu, la branche japonaise de la secte bouddhiste.
Ce mythe fondateur de la secte Fuke est décrit dans un texte du XVIIIè siécle, le Kyotaku denki Kokujikai qui justifia durant la période Edo la place de la secte dans la société alors qu’elle était remise en cause.
Une bonne partie de la musique japonaise ainsi que les instruments qui la composent fut importée de la Chine.
Tel fut aussi le cas du Shakuhachi qui trouve son origine dans une flute droite sous la dynastie Tang (VIIè siècle) en Chine. Elle fut importée au Japon à la fin de ce siècle en tant qu’instrument de la musique de cour qui pris le nom de Gagaku au Japon.
La flute se nommait déjà Shakuhachi ce qui désignait sa longueur : 1 Shaku (1 pied) et Hachi (8) Sun (pouces) correspondant déjà à la tonalité de Ré.
Le Shakuhachi du Gagaku possédait alors 6 trous et jouait cette musique d’ensemble avec la flute traversière Ryuteki, le hautbois Hichiriki et l’orgue à bouche Shõ.
Il existe encore aujourd’hui, précieusement conservés parmi les reliques du temple de Todaï-ji à Nara, 8 de ces Shakuhachi Gagaku – certains en ivoire ou jade. Cinq d’entre eux furent offerts à l’impératrice Komyo par King ui-Cha Wang de la dynastie de Paekche (Corée – VIIè siècle). Ils étaient joués en musique de cour à cette époque et sont encore en état de jouer aujourd’hui.
Après son entrée au Japon, le Shakuhachi disparut en Chine, peu à peu remplacé par d’autre flutes verticales dont la Dong Xiao durant la période Yüan (XIIIè et XIVè) encore jouée aujourd’hui.
Au IXè siècle, sous le règne de l’empereur Nimmyo, la musique Gagaku subit une réforme visant de l’intégrer à l’esthétique japonaise du moment. Différents instruments dont le Shakuhachi Gagaku furent ainsi supprimés.
Mais la pratique du Shakuhachi ne se perdit pas car c’est durant la période qui suivi (jusqu’au XIIè, à la fin de la période Heian) qu’il fit son entrée dans la pratique des moines bouddhiste comme accompagnement au Shõmyõ, la récitation des sutras.
C’est à cette même époque que naissait la secte Fuke citée plus haut.
Depuis cette époque, le Shakuhachi évolua au Japon sous différentes formes.
Le moyen-âge japonais correspond à la période féodale qui s’étend du XIIe au XVIe siècle.
Le Shakuhachi subit différentes modifications au cours de ces 400 années; le Shakuhachi Gagaku à 6 trous donna ainsi naissance à trois types de flutes à 5 trous.
l’Hitoyogiri est un autre type de shakuhachi. Son nom signifie littéralement « coupé dans un seul nœud de bambou » (Hito : un, Yo : nœud et giri : couper).
Réalisé donc avec un seul nœud du bambou et percé de 5 trous, il était constamment accordé en La pour une longueur de 33cm environ.
Cette flute, connu un intérêt croissant jusqu’au début de l’ère Edo (XVIIe) puis disparu progressivement au XVIIIe, elle n’est que très peu jouée de nos jours.
La raison de sa disparition étant probablement due à la gamme Ritsu (Ré,Mi,Sol,La,Si,Ré) jouée par l’Hitoyogiri qui tomba en désuétude durant l’ère Edo qui lui préféra la gamme Miyako Bushi (Ré,Mib,Sol,La,Sib,Ré) très difficile à jouer sur cette flute.
celle d’une flute droite à encoche fabriquée dans un pied de bambou comportant les racines et percée de 5 trous, 4 sur le devant et un derrière pour le pouce.
On la vit d’abord entre les mains de moines mendiants appelés Komosô du nom de Komo, le tapis de paille tressée qu’ils portaient accroché à la ceinture. Ces moines aussi appelés Boro ou Boroboro étaient présent au Japon depuis le XIVe mais leur évocation liée à la pratique du Shakuhachi n’apparait qu’au XVIe (dans le recueil de poèmes « Sanjuniban Shokunin Uta Awase« ).
Comme l’on peu voir sur ce dessin tiré du Kanden Kõhitsu, la flute jouée par ces moines ressemble déjà beaucoup au Shakuhachi épais fabriqué dans le pied de bambou.
On entendra beaucoup plus parler de ces moines errant durant l’ère Edo. Ils se nomment alors Komusõ et leur image,complètement associée à celle du Shakuhachi, est encore très présente aujourd’hui.
Le Shamisen, luth à 3 cordes, arrivé dans les îles Ryukyu (Okinawa) au sud du Japon autour de 1560 se développa rapidement comme instrument d’accompagnement de différents styles vocaux florissant à l’époque comme le Bunraku et fit sa place aussi dans l’accompagnement des danses du Kabuki.
Dans le même temps, la harpe Koto, dérivée du Wagon de la musique Gagaku, développe de nouveaux styles de jeu et commence à jouer un répertoire d’ensemble avec le Shamisen.
C’est à cette époque qu’est d’ailleurs composée la célèbre pièce de Koto « Rokudan no Shirabe » par le compositeur Yatsuhashi Kengyõ
La période Edo voit fleurir l’usage de la gamme Miyako Bushi qui, plus mélancolique (intervalle de 2nde mineure), correspond mieux à l’air du temps et va progressivement évincer la gamme Ritsu et par la même occasion, l’usage du Hitoyogiri. L’accordage du koto change alors pour utiliser cette gamme et le Shakuhachi alors réservé aux moines qui en font une pratique solitaire fait son entrée dans la musique d’ensemble Appelée Gaïkyoku.
Le concept premier de la pratique méditative du Shakuhachi se résume ainsi,
Faisant des pèlerinages aux différents temples de la secte (ces temples existent encore aujourd’hui tel le Myõan-ji de Kyõto), ils circulaient alors beaucoup plus librement que la plupart des civils de l’époque – La féodalité n’étant abolie que depuis peu (le Japon fût unifié en 1590) – et conservaient leur anonymat grâce au panier (Tengai 天蓋) qu’ils portaient sur la tête.
Il advint alors que certains Komusõ remplirent un rôle d’espion pour le Shõgunat de Tokugawa qui cherchait à déjouer les intrigues des différents clans ainsi qu’à limiter les privilèges accordés aux moines et contrôler les soi-disant Komusõ qui pullulaient alors. Car de nombreux voleurs et Rõnin (Samouraï sans maitre) comprirent la facilité de se faire passer pour des moines Komusõ.
La légende veut alors qu’étant interdit de porter le Katana, ils utilisèrent le solide Shakuhachi comme bâton de combat. Le fait est que de nombreuses histoires de l’époque décrivent les Komusõ comme débauchés et querelleurs; ces histoires hautes en couleurs illustrent bien l’esprit et l’humour de l’époque comme celle de Ôtori Itsubei joueur invétéré exécuté en 1612 qui fît (et gagna) le pari de mieux jouer le Shakuhachi avec son derrière que les moines Fuke avec leur bouche…
Il est avancé que le choix de construire le Shakuhachi avec les racines du Bambou serait lié à cette utilisation martiale; cependant, en tant que facteur de flutes, je penche plus pour la thèse des raisons acoustiques dues à la perce conique qui ont fait ce choix.
Ces abus causèrent l’abolition progressive des privilèges accordés à la secte qui, se voyant mise sur la sellette, produisit au milieu du XVIIIe un document, Le Kyotaku Denki attestant des origines historiques anciennes de la secte appuyées par des noms illustres du bouddhisme.
Mais la secte Fuke finit par être bannie lorsque se termina le régime de Tokugawa à la restauration Meiji à la fin du XIXe siècle.
Le Shakuhachi prenait ainsi son essor en tant qu’instrument musical à par entière, détaché de son aspect spirituel.
Ce qui permit à la flute de continuer son chemin dans les musiques classiques japonaises même après la disparition de la secte.
Au XVIIIe, Kurosawa Kinko (1710-1771), moine talentueux originaire de Kyûshu, fût chargé par la secte de collecter et d’enseigner les pièces jouées dans les différents temples du pays.
Il en vint à composer (il modifia et arrangea certaines pièces pour les rendre plus « musicales ») un répertoire de 33 pièces auxquelles s’ajoutèrent plus tard 3 autres pour former le premier répertoire classique du Shakuhachi qui prit le nom de Kinko-Ryu Honkyoku (« le répertoire de l’école de Kinko »).
Sa descendance fût chargée de l’enseigner; certains disciple fondant leur propre école, il naquit ainsi différentes lignées d’enseignement du Shakuhachi.
En 1871, La secte Fuke fût donc bannie, les temples fermés, les moines laïcisés et la pratique rituelle du Shakuhachi interdite. Mais la flute connaissaient un succès grandissant grâce à l’enseignement de l’école de Kinko qui développa toute sa musicalité en incorporant au répertoire Honkyoku celui des pièces d’ensemble Sankyoku.
Ceci entraina aussi un développement:
Ceux qui désiraient perpétuer la tradition méditative du Suizen développèrent alors se que l’on nomma le style Myõan (en référence au temple du même nom) centré uniquement sur les pièces du Honkyoku, toujours joué aujourd’hui et resté très proche de l’esprit du jeu des moines Komusõ.
Alors que l’école de Kinko se développait surtout dans la région de Tokyo (anciennement Edo), à Osaka, Nakao Tozan (1876-1956), jeune autodidacte talentueux du Shakuhachi ouvrit son propre studio à Osaka en 1896 donnant ainsi naissance à l’école de Tozan : Tozan-Ryû.
Tozan créa des compositions de Shakuhachi à partir des pièces du style Jiuta de Shamisen qu’il avait appris de sa mère. développant ainsi son propre répertoire Honkyoku.
Il établi un système de guilde « Iemoto » admettant les compositions d’autres musiciens dans le répertoire Tozan. Il composa aussi de nombreuses pièces en duo, trio ou quatuor ainsi que des ensembles.
S’inspirant aussi de la musique classique occidentale, il rénova les méthodes d’enseignement ainsi que le système de notation qui devint beaucoup plus précis dans le rythme.
Au début du XXe, ces innovations majeures eurent beaucoup de succès spécialement auprès des jeunes musiciens de la région du Kansai.
En 1922, Tozan s’installa à Tokyo et, en association avec Miyagi Michio, un grand rénovateur du Koto, continua à diffuser son enseignement.
L’école de Tozan-ryû, après s’être répandue dans tout le Japon est aujourd’hui représentée dans le monde entier.
Au cours du XXe siècle, le Shakuhachi fût grandement modernisé; puisant aussi son inspiration dans les musiques occidentales, s’exportant aux Etats-unis puis en Europe, fusionnant avec le Jazz,les musiques contemporaines, expérimentales, s’immisçant dans les musiques de film…
La musique du Shakuhachi est très vivante, évolutive tout en ayant su rester proche de sa tradition séculaire.