L’esprit Chikudo
Mon approche de la fabrication de flute en bambou
C‘est une histoire très ancienne que celle du jour où le vent, soufflant dans les bambous inspira à l’Homme l’un de ses tout premiers instruments.
Kokopeli
Gravure rupestre
Fabriquer des flutes , c’est donc reproduire un geste millénaire ;
C’est aussi une manière pour moi de conserver un lien fort à la nature
accorder des instruments, c’est la recherche de l’harmonie.
prendre le temps dans un monde ou tout s’accélère sans trop savoir pourquoi.
chercher le ravissement des sens : une bonne flute est plaisir pour les yeux, l’odorat, le gout, le toucher et l’ouïe bien sûr.
– Le premier maitre
L’amour de la nature m’a naturellement guidé vers une passion qui la respecte.
L’esprit dans lequel j’avance aujourd’hui sur le chemin de la fabrication du Shakuhachi m’est directement inspiré par la plante elle même.
Le bambou, s’est rapidement imposé dans ma vie comme une voie riche d’enseignements; j’y puise une forme de spiritualité qui m’est propre et que j’essaye d’appliquer à mon métier depuis la récolte du bambou jusqu’aux moindres finitions.
Je pensais au début faire mon apprentissage de facteur de flute avec le bambou avant de passer à des bois plus « nobles » et à la facture de flutes en bois tournés; mais plus les années passaient, plus je réalisais à quel point m’adapter à chaque morceau de bambou me plaçait dans une posture humble d’apprenti.
Puis j’ai acquis une expérience, une reconnaissance et une satisfaction de mon travail; sentiments qui m’ont poussé à « m’assoir sur mes acquis » et perdre cette humilité.
Le choix de délaisser la fabrication de toute autre flute pour me centrer sur l’étude et l’apprentissage du Shakuhachi m’a de nouveau ouvert la voie de l’apprenant.
Je cherche à présent à progresser dans mon art en conservant cet état d’esprit d’éternel débutant.
Utagawa Hiroshige – Taketori Okina – 1852
Tel le vieux coupeur de bambou du conte japonais « Taketori monogatari« , j’ai trouvé, au creux des bambous un trésor.
Ensō (円相) – Le cercle
symbole de la vacuité dans le Bouddhisme Zen
– La musique du silence
Attiré depuis toujours par les musiques du monde et leur si grande variété, ce n’est que tardivement que j’ai découvert la musique japonaise; et c’est bien évidemment la flute Shakuhachi qui m’y à mené.
Entrer dans cette musique – et particulièrement le répertoire solo du Shakuhachi – fut un apprentissage dans lequel j’ai du me débarrasser de mes notions d’esthétique musicale et m’ouvrir à l’esprit du Zen dans ce qu’il magnifie le vide.
En fabriquant des flutes, j’ai porté de plus en plus d’attention au son et à ce qu’il provoque en nous. C’est donc assez naturellement que le Shakuhachi m’a appelé plus profondément dans cette quête.
La musique du shakuhachi n’est pas une histoire de notes ou de rythme. son essence réside pour moi dans l’espace que l’on habite entre les sons.
C’est le concept du Ma (間) si présent dans l’esthétique japonaise; l’art de suggérer la plénitude du vide qui sépare les choses.